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À propos de la création

« […] j’aime ça faire des documentaires sur des choses que personne ne connaît, et moi non plus. En bas de ça, ce n’est pas intéressant. […] Tu sais, quand on a fait L’erreur boréale, qui connaissait la foresterie au Québec ? Rien. Tout le monde [tenait ça pour] acquis, ça va bien, il y a bien du bois, il va toujours en avoir. Là on arrive – bang ! -, ce n’est pas ça [du tout]. Et puis là, on fait ce film-là, moi j’apprends un peu aussi comment ça fonctionne, la gestion de forêts, tu sais, c’est quoi ça, cette grande abstraction-là si importante. Là c’est le fun, là, [maintenant] c’est avec les Algonquins – je ne les connaissais pas. Donc, là, c’est un plaisir parce qu’en même temps que j’apprends, bien le monde [va] apprendre aussi, ça, c’est clair. Ça fait que, ça, c’est cela que j’aime beaucoup des documentaires. »

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« Le monde, il faut que tu leur projettes un univers, il faut qu’ils rentrent dedans, puis ils vont « tripper » pendant trois minutes. Faut qu’ils « trippent » pour de vrai, là. C’est ça qui est la job. […] Il y a juste des mots qui flottent avec un petit peu de musique, puis ils sont dedans jusqu’aux dents. Il n’y a pas d’écran, il n’y a pas de projecteurs, pas de pop-corn, ils sont aux vues. C’est, c’est fantastique. Du cinéma pour les aveugles. »

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« […] de façon générale, j’ai toujours plus de musique en avance, parce que quand tu as trouvé ton thème, sur une chanson, tu as beaucoup de fait, déjà. Après, c’est des nuances. Mais quand tu as trouvé le titre de ton poème, il reste tout le poème à faire encore. C’est plus dur, c’est plus dur, ça. »

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« […] la chanson aussi c’est un art extrêmement… c’est très, très délicat, c’est un univers en deux minutes et demie. »

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« Il ne faut pas que tu sentes jamais la rime, puis il faut qu’elle soit là. Il faut que tu la ressentes. Il ne faut pas que tu y penses. Tu sais, aujourd’hui, tu écoutes une chanson, il y a des fois j’écoute des chansons qui viennent de sortir, et je devine trois phrases avant ce qui va arriver. »

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« Je peux me passer de la scène n’importe quand. Facilement. Ce n’est pas une drogue. Pas vraiment. Peut-être que je me trompe, il faudrait que je l’essaye un temps. »

« C’est souvent le dilemme des artistes, ça prend 23 ans pour écrire le premier album et il faut que tu produises le deuxième en six mois. »

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« La poésie, souvent, ça marche en confrontant des choses qui, en principe, ne se confrontent pas. Il y a un terme […] c’est le choc des images, tu sais. Puis, c’est ça qui frappe […] chez nous ou en région, je ne sais pas, on appelle ça “parler en fou”. »

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« […] c’est quand même un art, faire une chanson, c’est une pièce d’orfèvrerie, ça prend beaucoup de ta tête, tes yeux, tes sentiments, des affaires que tu ne comprends même pas comment ça fonctionne. Ça demande une concentration inouïe. »

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« [L’inspiration] ça ne se commande pas. Tu sais, ça se conditionne, mais ça ne se commande pas. »

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« Quand j’écris, je construis une chanson, il faut que les repères soient identifiables par tout le monde, facilement. Tu sais, je n’emploie pas beaucoup de concepts abstraits comme “pensée” ou “croire” ou… Ça, ça veut dire n’importe quoi pour tout le monde. Mais si tu mets une chaise, tu mets une table, tu mets un “char”… tu sais, quelque chose de précis […] Tu roules ça, des objets identifiables et des situations identifiables. Là, c’est la base. On est dans le concret. Tout le monde voit l’histoire. C’est toujours une histoire […]. »

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« C’est toujours une histoire, c’est toujours une histoire, on ne s’en sortira pas, on est des humains, nous autres, depuis qu’on est sur le bord du feu, il y a deux millions d’années qu’on se conte des histoires, ça ne changera pas, ça. C’est toujours… Un bon conteur d’histoires va toujours être capable de fasciner son monde ou de le transporter. »

À propos de l’identité

« […] même dans l’histoire, je me suis même demandé s’ils n’avaient pas envisagé ça, de tuer [les Amérindiens]. Mais, ça ne se faisait pas, comme on dit, on n’est pas des Américains, peut-être. Mais quand en 1850-1860, quand l’industrie du bois est arrivée, ils étaient carrément dans les jambes, eux autres. Donc là, ils les ont ramassés dans deux grandes réserves, les Algonquins – une à Maniwaki, et l’autre, à lac Témiscamingue -, mais c’étaient des camps de réfugiés, ce n’était pas d’autre chose que ça. C’était carrément de l’apartheid. Mais dans le but de les assimiler, leur faire perdre leur langue… Ils se disaient qu’en une vingtaine d’années, ils feraient la job. [Mais] ça a fait le contraire. Ça les a raffermit dans leur différence. »

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« Coupé à blanc en français ou bien en anglais, quelle différence ça fait ? Ce n’est pas prêt là, tu sais… Je ne le vois pas, le projet. Tu ne peux pas faire l’indépendance en même temps, puis continuer à gaspiller ton territoire. »

À propos du temps

« […] les gens ont dit : “Ça ne bouge pas, ça ne bouge pas.” Mais en général, les gens sont pris dans leur vie quotidienne, c’est bien préoccupant, tu sais. Moi, je suis un peu libre de mon temps, ça fait que je peux faire un certain travail que les gens n’ont pas le loisir de pouvoir faire. Je regarde ça, les chiffres, on voit ça, des fois, les chiffres, l’occupation d’une journée par l’ensemble de la population mondiale, c’est effrayant. »

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« […] les organisations ont beaucoup de difficulté à se dynamiser, à avoir du monde. Le monde, la majorité du monde… Ils regardent la télévision trois heures par jour. C’est la moyenne, ça. C’est 21 heures par semaine. Franchement, c’est beaucoup. Mais ce n’est pas juste au Québec, c’est à la grandeur de la Terre. C’est comme ça, c’est un phénomène, mais le monde est gelé par la télé. C’est ça que je voyais… J’hallucine. Vingt-et-une heures par semaine. Tu divises par sept jours, ça fait trois. Là, t’en travailles huit, t’en dors huit, t’en voyages deux, trois, t’en manges une couple… T’as le temps de te brosser les dents, puis c’est tout. »

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« Du temps libre. C’est ça, la plus grosse richesse. Du temps libre, puis de la soupe, puis t’es correct. »

À propos de la société

« Les premiers grands essais de libération ici, ça a été fait par des gars comme Leclerc, puis Vigneault, quand même, c’est des poètes, ça. […] Mais ce qu’ils disent, en fait, c’est qu’ils réactualisent quelque chose qui se perd dans le silence, qui se perd dans le quotidien. C’est le fait qu’on est quand même grégaire, tu sais, on vit ensemble, qu’on le veuille ou non, qu’on y pense ou non, on vit ensemble. Et je l’ai vu, il y a pas longtemps, sur un mur à Paris : “Ce n’est pas vrai qu’on est seul et individualiste, on est grégaire et dominé.” Je trouvais ça bien, tu sais… Les poètes, souvent, ce qu’ils font, c’est qu’ils rappellent cette chose de la nature tout à fait fondamentale. »

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« Ici, au Québec, on a une situation particulière, c’est parce que les Indiens n’ont jamais rien cédé. À partir de la rivière des Outaouais jusqu’aux Rocheuses, il y a des traités qui couvrent tout l’ensemble : c’est à cause du chemin de fer. Rendu au Québec, non, rien. Pourquoi qu’ils faisaient signer les traités avec les Indiens de l’Ouest ? C’est parce qu’ils reconnaissaient qu’ils avaient un certain droit sur le territoire. Mais, sans ça, tu ne fais pas de traités, si tu ne reconnais pas ça. Mais ils faisaient un traité pour l’éteindre tout de suite après, tu sais, éteindre les droits tout de suite après. Au Québec, ça ne s’est jamais fait encore. Les Algonquins pourraient exproprier Mont-Tremblant. »

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« Là, [les compagnies forestières] ont tout écrémé ça. Quand ils disaient qu’on prenait juste… on laissait les bons géniteurs, on prenait des arbres malades, ou bien on faisait une sélection… C’était tout de la fraude ça, ce n’était pas vrai, ça. Ils allaient chercher le plus gros numéro, puis les plus gros arbres. […] Là, j’attends les chiffres pour 2006, de combien de bois a été coupé au Québec. Mais le rapport Coulombe, quoi, c’est 2004. Dans ce temps-là, on coupait à peu près 30-31 millions de mètres cubes par année. Alors que la forêt en produit à peu près une vingtaine naturellement. Un tiers de trop. Mais l’année qui a suivi le rapport Coulombe, ils ont coupé 33 millions de mètres cubes : record absolu. »

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« Qu’est-ce qu’il dit, le rapport Coulombe ? Il dit : “On ne peut plus fournir les usines selon [leur] capacité, mais selon la capacité de la nature à fournir du bois aux usines.” C’est ça qu’il dit. C’est un peu ça, une gestion écosystémique. À l’heure où on se parle, le ministère responsable d’attribuer le bois, le ministère des Ressources naturelles, n’a pas encore contacté le ministère de l’Environnement. C’est lui qui dispose de tout l’élément éco-forestier […] Il faut que ces recommandations du rapport Coulombe se fassent. […] il faut sortir les grosses compagnies du bois, c’est les compagnies qui nous coûtent très cher […]. »

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« […] les journalistes, aujourd’hui, ils n’ont pas le temps. Encore plus en région. Souvent tu as des hebdomadaires […] où est-ce qu’il y a un journaliste qui est [pris] pour écrire tout ce qu’il y a dedans, des sports jusqu’aux morts. Tout. Ça fait qu’il n’a pas le temps. Tout ce qu’il fait c’est qu’il prend les communiqués du gouvernement, puis les communiqués des compagnies, puis il les recopie. »

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« Ah ! Changer le monde ! […] Je ne sais pas qu’est-ce qu’on serait si on n’avait pas eu de poètes. Qu’est-ce qu’on serait devenus ? C’est quelqu’un qui a dit ça [il n’y a] pas longtemps : les arts, peut-être que les arts, ça ne sert à rien, mais s’ils n’étaient pas là, ce serait [vraiment] plate. Ça, c’est tout ce qu’on peut dire. De là à changer le monde, je ne penserais pas. Mais c’est fort pareil, la poésie. D’ailleurs, j’avais… j’ai donné une série de conférences dans les cégeps, les universités et mon cour s’appelait La poésie fait rouler l’économie, et c’était bien, bien sérieux. »

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« Mais tu sais, c’est l’histoire du territoire, ça. Tu sais jusqu’à récemment, je pense […] c’était un trait particulier du Canada. C’est une majorité du monde qui vit autour de villes-usines comme ça. […] c’est la loi de la compagnie […] On pense toujours que le pattern a été le suivant : au départ, il y avait les Indiens, hein ? Ensuite de ça, il y avait des Blancs. Mais, en fait, ce n’est pas exactement comme ça que ça s’est passé, et puis ce n’est pas exactement comme ça que ça se passe encore aujourd’hui. T’avais des Indiens, ensuite, c’est les compagnies qui sont venues. Les forestières, les minières et, plus tard, l’Hydro. Eux autres, ils ont mis… ils ont “locké” la ressource. C’est tout encore des contrats africains, ça là. C’est vingt-cinq ans, puis la loi des mines bien, ça, c’est pour toujours. Puis tasse-toi si je pense qui va y avoir un gisement qui est là, la société alentour de ça, c’est une quantité négligeable, là, tu sais. Et puis, c’est encore comme ça. »

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« Les jeunes, ils ne désertent pas les régions, c’est les régions qui ont déserté [les jeunes]. »

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« Ce n’est pas le poids des mots. C’est qu’à un moment donné, il faut toujours que tu escomptes que le monde [a] une tête sur les épaules, et puis le cœur à la bonne place. Quand tu pars de ce principe-là, tu vas toujours être capable d’aller [le] rejoindre. »

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« [Mon père], lui, il est d’une école où est-ce qu’il pouvait retourner dans le même secteur forestier deux, trois fois dans leur vie. […] jusqu’à après la guerre, tu n’avais pas le droit de toucher à un arbre en bas de huit pouces. Puis, comme les coupes se faisaient l’hiver, sur des sols gelés, bien, toute la régénération était tout le temps là. Ça repoussait tout le temps. Il n’y a pas d’autre manière de faire de la foresterie. Ça fait que c’est l’appétit, c’est l’appétit des grosses compagnies qui a fait… Bien, on en veut plus, on en veut plus, on en veut plus. Ce n’est pas qu’ils ne faisaient pas d’argent, c’est qu’ils n’en faisaient pas assez. C’est ça, le problème. Ils ont rentré les abatteuses, ils ont aussi… ils ont réussi, pendant des années, à justifier que ça pouvait être bon pour la nature. En tout cas, mon père puis ses chums forestiers, ils n’en croyaient rien. Il disait : “Non, non, ça c’est du pillage. Point final.” Puis il disait : “Ça, c’est politique. C’est politique.” Je ne comprenais absolument rien de ce qu’il voulait dire. Mais là, j’ai compris. »

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« C’est rare que tu entendes parler du monde qui [a] dit : “Bien si une compagnie fait de l’argent, c’est parce que c’est nous autres qui lui fait faire de l’argent.” C’est Chartrand qui disait… il a tellement raison, il dit : “Tu vas mettre un million de dollars sur le bord du chemin, la “pitoune” sortira pas toute seule, là, tu sais, ça prend du monde. ” Mais on est encore comme ça, les compagnies, ici […] on n’a rien de ça, tu sais, on a [que] les salaires. On reste encore, au Québec… on est au niveau des salaires, tu sais, on n’est pas participant à rien, on n’est pas – et c’est de moins en moins syndiqué, aussi. […] on retourne dans les années 1940. »

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« On prend la ressource, puis that’s it. Ce n’est pas fait [l’indépendance du Québec]. Pourtant, tu sais, s’il y avait une place où est-ce que la souveraineté aurait pu être faite, c’est bien dans les ressources naturelles, c’est à nous autres. Dans les forêts. C’est à nous autres, c’est la Constitution canadienne qui le donne, les provinces sont propriétaires de leur territoire, c’est ça, la Constitution canadienne. »

À propos de l’échec

« [Les membres du groupe Abbittibbi], on s’était séparés dans des conditions qu’on n’acceptait pas. Ça a toujours été frustrant, on a travaillé comme des démons pendant cinq, six ans, puis il n’y a rien qui arrivait. Puis là, c’est plate. Là, tu te sépares, t’es pauvre, t’es cassé… Mais jamais en mauvais termes, par exemple. Ça fait que quand j’ai eu l’occasion, avec le succès de Tu m’aimes-tu… Il faut dire que j’étais producteur de mes propres affaires, pour la simple raison que personne n’en voulait. Ça fait que là, donc, j’avais la part du producteur qui est beaucoup plus importante que celle de l’artiste, là. Ça fait que c’est avec ça que j’ai produit [Chaude était la nuit, le disque d’Abbittibbi]. »

 

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