La corneille
Corneille, ma noire corneille qui me saoules opâque et envoûtante venue pour posséder ta saison et ta déscendance Déjà l’été goûte un soleil de mûres déjà tu conjoins en ton vol la terre et l’espace au plus bas de l’air de même qu’en sa hauteur et dans le profond des champs et des clôtures s’éveille dans ton appel l’intimité prochaine du grand corps brûlant de juillet Corneille, ma noire parmi l’avril friselis* Avec l’alcool des chaleurs nouvelles la peau s’écarquillent et tu me rends bric-à-brac sur mon aire sauvage et fou braque dans tous les coins et recoins de moi-même j’ai mille animaux et plantes par la tête mon sang dans l’air remue comme une haleine Corneille, ma noire jusqu’en ma moelle Tu me fais prendre la femme que j’aime du même trébuchant et même tragique croassement rauque et souverain dans l’immémoriale et la réciproque secousse de nos corps** Corneille, ma noire– – – – –
* lors de mes premières écoutes de cette pièce sur l’album Les Douze Hommes Rapaillés vol. 2 , chaque fois que j’entendais « parmi l’avril friselis », je croyais comprendre « parmi l’homme, ils frisent unis » Inutile de dire que je ne la comprenais vraiment pas (!) Ha, ha, ha !
** secousse de nos corps dans la chanson ; secousse des corps dans le texte
© Gaston Miron, L’homme Rapaillé, Montréal, Typo, 1996
La corneille n’étant pas encore disponible sur youtube, je vous propose ici Soir tourmente/le vieil Ossian chanté par Daniel Lavoie. [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=Vpf3n4UlClA]