29 avril 2011

Pensée du vendredi : parmi l’homme, ils frisent unis (Miron)

La corneille

Corneille, ma noire
corneille qui me saoules
opâque et envoûtante
venue pour posséder ta saison et ta déscendance
 
Déjà l’été goûte un soleil de mûres
déjà tu conjoins en ton vol la terre et l’espace
au plus bas de l’air de même qu’en sa hauteur
et dans le profond des champs et des clôtures
s’éveille dans ton appel l’intimité prochaine
du grand corps brûlant de juillet
 
Corneille, ma noire
parmi l’avril friselis*
 
Avec l’alcool des chaleurs nouvelles
la peau s’écarquillent et tu me rends
bric-à-brac sur mon aire sauvage et fou braque
dans tous les coins et recoins de moi-même
j’ai mille animaux et plantes par la tête
mon sang dans l’air remue comme une haleine
 
Corneille, ma noire
jusqu’en ma moelle
 
Tu me fais prendre la femme que j’aime
du même trébuchant et même
tragique croassement rauque et souverain
dans l’immémoriale et la réciproque
secousse de nos corps**
 
Corneille, ma noire

          – – – – –

* lors de mes premières écoutes de cette pièce sur l’album Les Douze Hommes Rapaillés vol. 2 , chaque fois que j’entendais « parmi l’avril friselis », je croyais comprendre « parmi l’homme, ils frisent unis » Inutile de dire que je ne la comprenais vraiment pas (!) Ha, ha, ha !

** secousse de nos corps dans la chanson ; secousse des corps dans le texte

© Gaston Miron, L’homme Rapaillé, Montréal, Typo, 1996

La corneille n’étant pas encore disponible sur youtube, je vous propose ici Soir tourmente/le vieil Ossian chanté par Daniel Lavoie. [youtube=http://www.youtube.com/watch?v=Vpf3n4UlClA]

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