8 novembre 2011

Hommage à Gilles Vigneault – Pour tenir le mât, le «poète du pays» (par Fred Pellerin)

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C’tait un matin y’a pas longtemps, j’étais en studio pour enregistrer un duo avec Vigneault. C’était: «Je m’ennuie des mélodies qui mettaient mes yeux dans l’eau, je m’ennuie de ton ennui.» Gilles Vigneault. On se croise que’ques fois depuis que’que temps. Des fois, c’est pour des projets, des fois c’est pour presque rien. Mais quand même, un privilège et un honneur, de pouvoir se colletailler sur la légende vivante.

Faque, c’était un matin, y’a pas longtemps. «Je m’ennuie, de ton ennui.» Pis y’est arrivé Vigneault, avec des muffins qui étaient encore chauds, les bras chargés des journaux du matin. Pis si y’avait des pépites dans les gâteaux m’a vous dire, y’avait surtout des noyaux dans les nouvelles.

Vigneault, y m’a dit: «On veut un drapeau, mais on n’a pas encore de mât. Y faudrait se faire un mât.» Ça c’était la revue de presse d’un jour de semaine dans la bouche de Vigneault. Lui, le grand poète du pays, celui qui chante encore, à l’âge respectable. Qui trouve encore à donner pis qui dépasse comme si ses mélodies avaient de la frange. C’est du surplus qui va brasser jusqu’à l’espoir, jusqu’au projet social, dans l’au-delà de la poésie, pour en faire de la force.

Je l’avais entendu dire une fois — il parlait d’idéal — y’avait dit que les poètes trouvaient à dire dans le monde où ils vivaient, pis que si l’idéal se pointait la face, il se trouverait un moment, un p’tit boutte où s’qu’on saurait plus quoi chanter, parce que ça ferait l’impression qu’on a réussi. Ben, le temps passe, pis y chante encore. Pis on chante encore. Pis dans toutes les noirceurs, ça permet de se dire qu’il y a peut-être encore une brèche pour rêver.

Aujourd’hui, ami Vigneault, chante encore! Y faut chanter plus que jamais! On a besoin d’un Nord, d’une aiguille, d’un exemple, on a besoin d’un homme-phare, montre-nous le chemin que tu connais, dis-nous que ça s’peut de changer un boutte du monde avec les chansons, sinon d’en panser un peu les noirceurs. Je t’entendais encore y’a que’ques jours. C’était cité: «L’idéal, quand il est porté par une seule personne, il se rend jamais ben loin. Il faut que l’idéal devienne collectif pour avoir de l’avenir.»

Y faut se faire un mât, Vigneault? On va se faire un mât lustré. Chante encore. Je te promets qu’on va répondre en choeur.

***

Source : Le Devoir, Fred Pellerin – Conteur et scénariste,  1 novembre 2011  Actualités culturelles

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